L’expédition du gouverneur de Repentigny

Après 1783, les gouverneurs du Sénégal continuèrent la politique d’inventaire et les tentatives d’expansion commerciale entreprises par les commandants de Gorée. En ce qui concerne le Saloum, le fait important fut le voyage du Comte Louis Le Gardeur de Repentigny (gouverneur de 1783 à 1786). Golberry qui a fait le récit de l’expédition raconte que les Anglais « … abusèrent du crédit et de la faveur dont ils jouissaient dans les Etats du Bour Saloum… Ces procédés impudents révoltèrent le Chef et les peuples du Saloum qui conspirèrent contre deux navires anglais, alors seuls dans la rivière ; ils les surprirent pendant la nuit, assaillirent les deux bâtiments, y entrèrent pêle-mêle en nombre prodigieux et égorgèrent beaucoup d’Anglais… ». Les négociants français voulaient sans doute profiter de cet incident pour tenter auprès du Bour une démarche que la crainte des représailles devait faire accueillir avec plus de bienveillance et obtenir ainsi l’installation d’un comptoir à Kahola.
Le Gardeur de Repentigny, chargé de rechercher les possibilités d’un établissement sur le Saloum, quitta Saint-Louis en janvier 1785, sur la Corvette « La Blonde », toucha Gorée et vint jeter l’ancre à l’embouchure de la Gambie ; là, il passa sur le cotre « Sénégal » et, le 26 janvier, franchit la barre de Sangomar ; il parvint à Kahola après quatre jours de navigation.
Repentigny fut accueilli avec un faste qui frappa beaucoup l’imagination de ses compagnons, puisque Golberry n’hésita pas à écrire, en parlant du Bour Saloum Beuleup Sandéné Kodou Fall NDAO : « … Le prince est riche et il est le seul des rois nègres de ces régions occidentales qui soutienne son rang avec une sorte d’appareil, de magnificence et de dignité… ».
L’entrevue aboutit à un accord consigné dans le traité du 8 février 1785 qui reconnaissait aux Français le droit de commercer et d’établir des comptoirs le long du Saloum et donnait au roi de France, en toute propriété, l’île de Catsiambé ou Coyon, située immédiatement en amont de Kahola. L’Acte de cession commençait en ces termes : « Moi, Sandéné, Roi de Saloum… je fais, en mon nom… la cession de ma belle île de Coyon ou Catsiambé, réservée jusqu’à ce jour, pour mes plaisirs de la chasse… »
L’expédition du gouverneur de Repentigny n’apporta pas de grands changements dans les conditions du trafic goréen sur le Saloum et n’eut, finalement, aucune suite pratique. Jusqu’au début du XIXème siècle, le Saloum restait presque exclusivement le lieu d’un commerce local de produits vivriers et ses conditions réelles d’accès et de navigabilité restaient mal connues.
Cette période qui s’ouvre en 1817, sur une économie radicalement bouleversée par l’abolition enfin définitive de la traite des noirs, est essentiellement une phase de transition qui va conduire Kahola, bientôt devenu Kaolack, à l’orée de son histoire contemporaine.
En 1821 fut décidée une mission d’exploration de Saint-Louis à la Gambie, par le royaume de Saloum, que le gouverneur Roger confia à Sauvigny, élève voyageur du Muséum de France. Empruntant la voie terrestre qui lui était imposée, Sauvigny arrive effectivement dans la capitale du Saloum. Il décrit Kahone comme un très gros village, assez semblable au Kahone d’aujourd’hui, avec ses groupes de cases entourés de tapades et ombragés de roniers et de fromagers. Il fut frappé par la prospérité et l’activité de la cité ou de nombreux traitants indigènes vendaient le mil, la cire, les peaux et les bovidés. Il eut une entrevue avec le Bour Saloum Biram Khourédia Mbodj Ndiaye qui le reçut en audience, le lendemain de son arrivée ; il fut très bien accueilli, le roi l’assura de son amitié pour la France et lui raconta qu’il avait, autrefois, assisté, en qualité de conseiller, à la conclusion du traité de 1785 ; il ajoutait que son pays avait regretté que les français ne se soient pas installés à demeure et il les encourageait vivement à le faire. Sauvigny visita aussi l’île de Coyon qu’il trouva très boisée et giboyeuse et où les gens de Kahone cultivaient un peu de coton.
Des relations officielles s’étaient maintenues avec les autorités de Kahone ; c’est ainsi que le 29 mars 1849, un traité avait été signé entre le Bour Saloum Beuleup Balé Ndoungou Khourédia NDAO et le commandant du brick « Le Pourvoyeur » ; ce traité autorisait, une nouvelle fois, le gouvernement français à établir un comptoir dans le Saloum. A l’occasion d’un changement de gouverneur, par décision impériale du 1er novembre 1854, Gorée fut séparé de Saint-Louis et devint la capitale de tous les établissements situés au sud du Cap-Vert.
Le roi de Saloum, Beuleup Ballé Ndoungou NDAO, 28 ans de règne à partir de 1823, a dignement reçu El hadj Oumar TALL, lors de son pèlerinage pour La Mecque. Le roi lui aurait donné un fusil et un cheval après l’avoir hébergé pendant une semaine. El hadj Oumar TALL, par la suite en donnant un million à Maba Diakhou BA, lui a conseillé de ne pas allumer la guerre sainte durant le règne de Ballé Ndoungou NDAO, qui bien que « Tiédo » était un roi bon et juste. Il avait également une large tête.
Le traité conclu en mai 1859 avec le Bour Saloum Samba Laobé Fall autorisait le gouvernement français à édifier un fort sur le bord de la rivière, à l’endroit qu’il choisirait. Faidherbe choisit Kaolack, pour des raisons commerciales et stratégiques évidentes. Les travaux commencèrent rapidement et une tour de forme octogonale en ciment fut édifiée non loin de la berge du Saloum, à l’emplacement où se trouve actuellement la capitainerie du port. Il est à noter que cette tour ne fut pas bâtie dans l’enceinte de l’ancien village de Kahola, mais beaucoup plus près de la rivière ; l’ancien village, en effet, où étaient installés quelques traitants indigènes, se trouvaient nettement en retrait, sans doute à peu près dans la direction de l’actuelle sortie de la ville vers Kahone. Les travaux furent achevés dans les premiers jours de 1860 et le capitaine Lemonnier fut invité à lever le camp le 13 janvier.
Le traité signé entre Pinet-Laprade et Bour Saloum Samba Laobé Fall, le 8 mars 1861, confirmait l’autorisation de construire un fort à Kaolack et cédait à la France les terrains situés dans un rayon de six cents mètres à partir de la tour.
Fait historique douloureux Ndiémé Diénoum NDAO, dernier roi NDAOCOUNDA qui, devenu un saint musulman, refusa de livrer à l’administration française les prisonniers coreligionnaires arrêtés après la bataille contre Diouma Ndiaty, tué par Ngouniari NDAO tout seul contre ses troupes.
En 1887, l’élimination complète et définitive du récent empire de Mamoundary Bâ, devait avoir de profondes conséquences administratives. Le traité signé entre la France et les chefs intéressés, le 14 mai 1887, consacrait la reconstitution de l’ancien royaume de Saloum qui recouvrait le Pacala ; le reste des Etats de Mamoundary était divisé en quatre provinces : le Niam, le Niom dont le chef était Omar Cadio, le Rip qui restait aux marabouts et le Badibou que dirigeait Biram Cissé